Le numérique et la multidisciplinarité
au service du futur du livre
Dans le cadre du Salon du livre de Montréal, nous avons accueilli trois panélistes pour échanger autour du sujet suivant:
Comment les outils numériques et la multidisciplinarité permettent-ils d’envisager de nouvelles formes littéraires et ainsi servir le futur du livre?
Une conférence-atelier, animée par Paul Hernandez, qui nous a amené à explorer de nouvelles pistes de réflexions, à nous interroger sur les codes actuels et à réfléchir au futur de cette belle industrie!
Pour que vous puissiez en avoir un aperçu, nous vous avons résumé les principales idées dans cet article.
Bonne lecture!
- Bertrand Gervais est professeur titulaire au Département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal, ainsi que directeur du NT2 et chercheur principal du partenariat CRSH Littérature québécoise mobile (2019-2024). Il a repris en 2022 la direction de Figura, le Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire qu’il a fondé en 1999.
- Marie Lamarre est éditrice indépendante en plus d’enseigner À l’Université de Sherbrooke. Elle réalise plus d’une vingtaine de projets à la fondation des Éditions Somme toute. À titre d’éditrice, en plus d’assurer la direction de la maison Tête première pour les ouvrages de fiction littéraire. En 2022, elle co-fonde Pavillons, une plateforme de diffusion de littérature sous forme de feuilletons.
- Pascal Nataf enseigne le développement de jeux vidéo depuis une dizaine d’années à l’Université de Montréal, à l’UQAM, et à la Sorbonne-Nouvelle. Il est co-fondateur d’Affordance Studio qui se spécialise dans le jeu à impact social. il a également co-fondé la Coop La Guilde et l’Asylum, un incubateur et accélérateur d’entreprises œuvrant dans le jeu vidéo.
- Paul Hernandez travaille en tant que consultant chez Rhizome Stratégies. Il accompagne les organisations culturelles et créatives dans la transformation et l’évolution de leur modèle, en plus de diriger la production de contenu éditorial du programme Trajectoires Numériques piloté par La Piscine.
Alors que le secteur du livre et de l’édition est considéré comme un des secteurs les plus traditionnels du monde de la culture, il prend pourtant aujourd’hui part au mouvement qu’insuffle le numérique dans les industries culturelles et créatives ces dernières années.
Le débat qui opposait le livre et l’écran n’a plus lieu d’être. Ils sont désormais indéniablement entremêlés. Les faire cohabiter permet au monde du livre et de l’édition de maintenir son activité culturelle au cœur des enjeux économiques actuels.
La question est alors de savoir de quelle manière le numérique peut-il ouvrir de nouvelles pistes de développement et d’innovation pour ce secteur?
1 – L’évidence de la multidisciplinarité
À l’instar de nos vies quotidiennes, dans le monde du livre aussi, le réel et le virtuel sont continuellement amenés à se croiser. Le numérique se place de plus en plus au centre du monde de l’édition et engendre ainsi la naissance de collaborations multidisciplinaires et des ponts se créent entre les différents secteurs créatifs et culturels.
Si l’on se penche sur le secteur du jeu vidéo, il s’inspire énormément du livre et du cinéma dans le travail de conception, le but étant toujours de raconter une histoire. Le maillage entre ces deux industries semble plus que pertinent. La question qui se pose est comment peut-on détourner les plateformes de jeux vidéo pour faire de la littérature?
Le projet des éditions Alto est justement fondé sur cette multidisciplinarité culturelle en croisant les mondes du jeu vidéo et de l’édition. L’idée est ici de dynamiser la lecture en la “gamifiant” au travers d’une expérience de lecture multijoueurs.euses. La collaboration multidisciplinaire permet de créer de nouveaux modèles d’affaires mais surtout de s’adapter aux attentes des nouveaux publics. Comment les jeunes vont-ils consommer de la littérature alors même qu’ils consomment actuellement des produits culturels sous des formes différentes? De nouveaux marchés sont amenés à s’ouvrir autour de l’acte de lire plus qu’autour du livre lui-même.
2 – Les données au service de la découvrabilité
Le monde de la littérature avait jusqu’à lors accès qu’à très peu, si ce n’est pas du tout, de données leur permettant notamment d’identifier leurs lecteurs.rices. Le numérique permet désormais à l’industrie du livre et l’édition de placer les données au cœur de son fonctionnement. Un atout de taille qui permet aux maisons d’édition de pouvoir enfin cibler leur public, d’adapter leur positionnement et ainsi d’accentuer considérablement leur découvrabilité. Le projet de Pavillons illustre parfaitement un modèle d’affaires dans lequel le numérique est au service de la littérature et permettant par la même occasion de collecter des données. Pavillons ouvre des champs du réel en mettant en ligne la matière du livre, et donne naissance à une véritable communauté favorisant les échanges entre professionnels.
L’intelligence artificielle offre également un vrai potentiel de développement pour le monde du livre ces prochaines années, notamment pour mettre en place des recommandations pertinentes aux passionnée.es de lecture!
3 – Des nouveaux modèles d’affaires
sources de monétisation
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les innovations majeures dans le secteur de la littérature sont créées par des entrepreneur.es audacieux.ses au travers de projets pilotes et non par les grands groupes de l’industrie. Il en va d’ailleurs de même pour d’autres secteurs culturels comme celui du jeu vidéo. Créer de nouveaux modèles d’affaires dans ces secteurs demande une prise de risque qui n’est pas envisageable dans la chaîne actuelle du livre.
De nombreuses pistes sont encore à explorer, mais une chose est sûre, l’innovation au travers du numérique permet d’ouvrir de nombreuses portes pour les artistes. Le numérique implique une instantanéité nouvelle qui leur permet de créer de façon différente et un de travailler en continu. Les nouveaux modèles d’affaires engendrent aussi directement la création de nouvelles sources de monétisation et ainsi une rémunération plus juste et directe pour les artistes.
Au-delà des modèles d’affaires, une nouvelle catégorie artistique apparaît avec le numérique: les arts littéraires. La création ne se limite plus seulement à un livre, mais va de paire avec la production d’un ensemble d’activités multiculturelles autour de ce dernier (Un livre, le donner en lecture, en partage, le mettre en scène, etc.).
Auteur.e : Marie-Lou Corre